Après le tremblement de terre, Marie Sofonie a fuit le camp où elle s’était relogée, par peur… d’être violée. Aujourd’hui, elle travaille sur le projet « Ayiti SMS SOS » pour combattre la violence contre les femmes et toutes autres formes d’atteintes aux droits de l’homme en Haïti.

Les violences contre les femmes ont dramatiquement augmenté depuis le 12 janvier. Nous venons de réaliser un reportage sur des histoires extrêmement difficiles que subissent les femmes : Femmes: la boite à douleur. Le projet Ayiti SMS SOS est également une boite à douleur, contenant cette fois des SMS et non des lettres anonymes. Mais les deux méthodes se rejoignent avec cette même volonté de combattre la violence, les abus envers les femmes, les enfants et toutes sortes de discriminations envers les personnes les plus vulnérables.

Marie Sofonie Louis à la Fondation Espoir / Jeune Ayiti où elle travaille sur le projet Ayiti SMS SOS

Marie Sofonie a 25 ans. Elle est déterminée à briser cette loi du silence qui règne autour de ces violences. En plus d’avoir fuit le camp qu’elle trouvait beaucoup trop dangereux, elle fut ensuite victime du rejet des jeunes de son quartier qui lui reprochaient son activisme sociale et sa participation aux distributions d’aides. Nous avons eu le plaisir de la rencontrer à Port-au-Prince et de recueillir son témoignage pour mieux comprendre son implication dans ce projet de SMS SOS :

Marie Sofonie – Histoire personnelle et Ayiti SMS SOS, nous raconte les débuts de ce programme et son évolution :

Ayiti SMS SOS a été créé par une petite ONG américaine, Survivors Connect. Elle travaille en étroite collaboration avec des partenaires locaux pour mettre à la lumière et combattre ces problèmes de violences contre les femmes, de traites d’êtres humains et d’autres crimes peu visibles. Dans les faits, Survivors Connect initie ces projets puis forme ses partenaires à l’utilisation des outils. Ainsi, l’ONG travaille avec la Fondation Espoir, FNJD et plusieurs organisations de protection des droits de la femme comme Kofaviv, Favilek, Konamavid et d’autres qui se trouvent directement sur le terrain.

Aashika – L’arbre de la violence, nous raconte les débuts de ce programme et son évolution :

Selon Aashika Damodar, la fondatrice de Survivors Connect, exprimer ces souffrances est l’une des clés pour rompre les tabous. L’Arbre de la Violence est une illustration très explicite qu’elle utilise auprès de la population pour démontrer l’importance d’évoquer ces sujets.

 

Arbre de la violence

Dans cette seconde interview, Aashika explique comment ces violences peuvent être combattues à travers des campagnes de prises de conscience, de formation et de l’utilisation de plateformes de crowdsourcing et de SMS (le crowdsourcing consiste à collecter des informations directement en provenance de la population) :

Aashika – Description d’Ayiti SMS SOS, nous raconte les débuts de ce programme et son évolution :

L’un des crimes relevé sur la plateforme Ayiti SMS SOS est le restavek (“rester avec” en Créole): il s’agit des enfants qui sont vendus comme domestique… Ils deviennent quasi invisibles dans la société et sont privés de toutes les libertés fondamentales. Un reportage très explicite a été réalisé par Dan Harris pour ABC News qui illustre parfaitement cette nouvelle forme d’esclavage.

 

Aashika Damodar, fondatrice de Survivors Connect

Ayiti SMS SOS utilise la plateforme de crowdsourcing Ushahidi et le service de Frontline SMS. La plateforme a été adaptée aux besoins propres de ce projet. Selon Aashika, les concepteurs d’Ushahidi ont toujours pensé à l’utilisateur final. Ce fut très facile pour eux de l’adapter à leurs champs d’application. Cette interface permet à tout individu envoyant un SMS au numéro du service (3803 0303) d’être géolocalisé et classifié par type de violence ou bien d’aide requise. Cela permet d’avoir un document répertoriant les différentes formes de violences, ce qui peut être très utile pour des ONGs ou d’autres organisations. Les cas les plus critiques sont alors immédiatement transmis à la police ou a une ONG pour qu’elles puissent intervenir en urgence. Dans de nombreux cas, les victimes sont contactées directement par Marie Sofonie ou d’autres membres de l’équipe pour engager un dialogue avec elles. Bien souvent, ces victimes se sentent soulagées d’avoir pu s’exprimer librement, sans pression aucune, de ce qu’elles viennent de subir.