Dix-huit mois après le séisme, les déplacés du camp Sainte Anne, situé au centre ville de Port-au-Prince, vivent toujours dans des conditions sanitaires inquiétantes. Reportage. 

Une poubelle, à moitié vide, entourée de fatras. Des latrines mobiles à proximité de certaines tentes, des étalages de produits divers entourant les bâches en plastique… Nous sommes à l’entrée du camp Sainte Anne, au centre-ville de Port-au-Prince, fin juillet.

A l’intérieur du camp, le décor n’est pas totalement différent. Des piles d’immondices ça et là; encore des latrines dégageant une odeur fétide…

Des latrines à l’intérieur du camp dans le voisinage immédiat des tentes.

Adeline Jean Joseph, la quarantaine, réside dans le camp depuis le 12 janvier 2010.

Elle est l’une des huit volontaires qui s’occupent de l’assainissement de ce camp qui abrite plus de cinq cent familles. « Les conditions hygiéniques sont de plus en plus déplorables dans le camp depuis le départ de l’ONG Oxfam », explique Adeline, le visage sombre, assise dans sa tente blanchie par le soleil.

Adeline déplore aussi que « les déplacés, en grande majorité, ne veulent pas contribuer pour tenir l’espace propre régulièrement. »

De son côté, Guerline Champagne, «brigadière» du site, visiblement préoccupée par les conditions sanitaires, fait part de son inquiétude face au nombre de victimes du choléra – environ une centaine – recensé dans le camp.

Un château d’eau qui desservait les déplacés est totalement vide depuis tantôt un mois

Cette situation, selon elle, est due à un manque de structures sanitaires adéquates pouvant répondre aux besoins des déplacés. La surveillante confie son impuissance à aider les gens face à cette situation.

Guerline dénonce aussi le comportement «irresponsable» de la «majorité des résidents du camp» qui ne mettent pas en pratique, selon elle, les principes d’hygiène de base pour combattre la propagation de la maladie et d’autres infections susceptibles de nuire à leur santé. Des précautions sanitaires évidemment difficiles à appliquer vu les conditions de vie dans ce camp de déplacés.

«Nous partageons régulièrement avec les résidents les informations sur les principes hygiéniques à appliquer, mais ils négligent nos conseils. Cette situation est inquiétante pour la santé de ces gens», poursuit Guerline Champagne.

Pour leur part, Jacques Exumé et Adeline Jean Joseph, tous deux résidents du camp, critiquent l’absence de l’État dans la gestion du site et regrettent le départ, le 30 juin dernier, de l’ONG Oxfam. Depuis, disent-ils, les déplacés sont quasiment livrés à eux-mêmes.

De son côté, Peleg Charles, officier de communication et medias à Oxfam, précise qu’« après le séisme du 12 janvier, nous avions formé des responsables du camp, afin qu’ils puissent eux-mêmes assurer le nettoyage des latrines et l’assainissement du site.»

Il fait remarquer qu’Oxfam n’est pas responsable des problèmes d’assainissement. « Nous avons formé des brigades afin de mettre une structure en place » Selon lui, Oxfam n’a pas quitté le camp, mais n’est les membres de l’ONG sont « moins présents » qu’avant.

Des latrines qui desservent les résidents du camp

Le président du comité de gestion du camp de la place Sainte Anne, Johny Samedi, dresse, lui aussi, un tableau sombre de la situation sanitaire du camp. Il se dit prêt à poursuivre sa collaboration avec les acteurs intéressés pour améliorer les conditions exécrables dans lesquelles vivent les déplacés.

Johny Samedi lance un appel aux autorités concernées pour venir en aide aux occupants de ce camp qui, abandonnés à leur sort, implorent «la miséricorde du Dieu».

Seules quatorze latrines se trouvant dans des conditions hygiéniques précaires sont présentes dans le camp qui est complètement dépourvu de système d’adduction d’eau potable, et ce depuis près d’un mois.

 

Texte : Jeanne Claudja Jocelyn et Sylvestre Fils Dorcilus

Son : Marc-Elie Julien

Photos : Jeanne Claudja Jocelyn