Rencontre avec ce jeune plasticien, qui transforme les déchets en véritables œuvres d’art. Quitte à passer parfois sa journée dans les poubelles…

Il est encore tôt à la Grand rue, au centre-ville de Port-au-Prince, ce vendredi, fin juillet. Wender, 16 ans, sillonne les ruelles détruites de la ville en quête de matériaux pour confectionner ses œuvres. Poupées usagées, pneus, pièces métalliques… La capitale regorge de matières premières pour les artistes qui, comme lui, transforment les objets du quotidien en œuvres d’art.

L'atelier de Wender

Wender a développé une démarche artistique basée sur la  mise en valeur d’objets récupérés, un art qui a atteint une dimension particulièrement intéressante depuis le tremblement de terre du 12 janvier 2010. Détruisant une grande partie de la ville, la catastrophe a dans le même temps apporté à cet artiste un nouveau champ d’investigation, lui permettant de développer une approche artistique qui s’inspire du vodou haïtien.

L’artiste se présente:

Ses journées commencent à 6h30 le matin, lorsqu’il part a la recherche de matériaux, son tee-shirt troué sur le dos. Durant quelques heures, il délaisse alors son petit atelier. Semblable a un cimetière de déchets, ce dernier est lui-même construit à partir de matériaux de récupération ; morceaux de bois, tôles usagées, plastique etc. Quand il a déniché ses trésors, Wender revient travailler ici, avec 11 autres enfants. Assis par terre, pieds nus, ils travaillent à l’instinct, au feeling, pour mettre en forme leurs œuvres, dans l’espoir de subvenir à leurs besoins et ceux de leur famille. Si Wender a la chance d’aller à l’école et de gagner très bien sa vie « entre 600 -700 dollars US » pour une œuvre, tous les enfants haïtiens qui tentent de vivre de cet art n’ont évidemment pas sa chance.

L’art de la récupération a le vent en poupe dans les milieux artistiques en Haïti et en occident, et les œuvres de cet artiste haïtien séduisent particulièrement les étrangers de passage à Port-au-Prince. La capitale, à l’image de l’art développé par Wender, semble ravagée ; mélange d’innocence, de naïveté et de mystère mêlé aux influences vodous et religieuses… Une atmosphère venue des tréfonds de la culture haïtienne.

Wender et les autres artistes

A l’instar d’autres artistes plus connus comme Eugène André, Wender fait partie du collectif « atis rezistans » qui défend une nouvelle forme d’art, alliant récupération et influences vodou, et qui rencontre désormais un certain succès dans le cercle fermé de l’art contemporain international.

Cela fait plus de 6 ans que l’adolescent subvient à ses besoins et à ceux de sa famille, comme en témoigne son père, Robert Thelusma, soulagé que son fils échappe ainsi à la délinquance juvénile importante à Port-au-Prince.

Le père de Wender satisfait de la réussite de son fils :

Une réussite d’autant plus satisfaisante qu’elle permet à Wender de payer , grâce a ses revenus, ses études dans un pays, Haïti, où cela coute très cher.

Loramus Rosemond

Ticket magazine.